Le Makhzen, un système archaïque, de violence Implacable
Résumé
Après une longue « hibernation », le monde arabe vient de connaître, avec les révolutions tunisienne et égyptienne, une période de grande agitation. Des peuples que l’on considérait jusqu’hier définitivement soumis et apathiques, ayant renoncé à leurs droits les plus élémentaires d’une vie digne face à des régimes despotiques et corrompus, viennent de montrer, à la face du monde, par des soulèvements populaires « millionnaires », leur grande détermination à reconquérir leur liberté et dignité. Leurs immenses sacrifices n’étaient, on l’a vu ; pas vains et les régimes qui les oppressaient, des décennies durant, et que l’on croyait, jusqu’hier, « indéboulonnables » ont été éjecté et fini par laisser la place, après quelques hésitations, à des pouvoirs démocratiques, élus.
Dans un tel monde arabe en ébullition, le régime marocain pourtant décrié donne l’impression, à l’observateur étranger, de ne pas être concerné par les profondes dynamiques populaires qui menacent les pouvoirs politiques aux commandes .
Au Maroc, malgré les soulèvements, périodiques, répétés, les manifestations « monstres » dans les différents villes et villages marocains et les multiples actes populaires de désobéissance civiles posés par les citoyens pour obtenir que le régime s’amende ou que le « roi dégage », le système royal ne semble pas, loin s’en faut, ébranlé . Et les Marocains n’ont obtenu, en guise de changement, qu’un gouvernement de safaga (soumis) et un toilettage plus que superficiel de leur « constitution royale » .
En fait, pour couper l’herbe sous le mouvement contestataire qui demande régulièrement, dans la rue, son départ, le roi a fini par se résoudre à organiser un simulacre de référendum au cours duquel, entre autres réformettes, il a été prévu d’élargir les prérogatives du premier ministre. Il faut cependant insister sur le fait que l’élargissement en question des prérogatives du Premier ministre s’accompagne de verrous qui peuvent le rendre, dans les faits, sans conséquences. Car, la tenue, par exemple, d’un Conseil de gouvernement est liée, faut-il le préciser, à un indispensable accord préalable du roi. Par ailleurs, même le pouvoir de désignation aux fonctions civiles accordé en apparence au Premier ministre est lié également à l’approbation, préalable, de sa Majesté. Le Roi demeure, comme le stipule la dite Constitution, le chef de l’exécutif et la référence religieuse en tant que « Commandeur des croyants ». Il reste donc un souverain qui règne et qui gouverne.
Aux termes de la Constitution, le roi est le chef des armées, et les désignations au sein de l’institution militaire relèvent de son seul et unique pouvoir. Sans oublier qu’il préside le Conseil des ministres qui est le lieu du pouvoir exécutif.
La nouvelle Constitution stipule que le Roi peut, à tout moment, dissoudre le Parlement et que sa personne est sacrée.
A la lumière de ce qui précède, il apparaît clair que le projet de Constitution, présenté comme une réforme révolutionnaire, majeure, de l’organisation des pouvoirs, ne fait que jouer subtilement sur les concepts et les terminologies. S’il n’évoque plus la « sacralité » du Roi, faut-il insister sur le fait qu’elle n’omet quand même pas de souligner que le monarque est le « Commandeur des croyants et chef de l’État ».
L’on peut donc constater, à travers ces quelques exemples forts limités, par ailleurs, que la réforme des institutions célébrée à travers l’adoption du nouveau projet de Constitution, tambour battant, par les pays occidentaux, est tellement minimaliste qu’elle ne pouvait laisser subsister le moindre doute sur la nature despotique du régime et de sa ferme intention de le rester.
Alors, face au rejet populaire, quel est le secret de longévité du régime royal marocain ? Et qu’est-ce qui lui permet de tenir face à une réelle pression populaire qui ne s’est pas, depuis des mois, jamais relâchée ?
Autrement dit, la question essentielle au cœur de cette réflexion est celle de montrer les modes de fonctionnement du pouvoir monarchique marocain, ses mécanismes et quels en sont les effroyables et les humiliants effets sur les « sujets » auxquels ils s’appliquent .